Quand la crise au Burkina résonne à Kinshasa


La tentative de Blaise Compaoré de faire modifier la Constitution enflamme le Burkina-Faso. Une situation scrutée avec intérêt en République Démocratique du Congo, où un même projet de révision constitutionnelle agite la classe politique.
Jeudi noir à Ouagadougou. Au cri de « Blaise dégage ! », des milliers de manifestants ont saccagé et incendié l’Assemblée nationale où devait se tenir le vote d’une révision de la Constitution visant à prolonger le président Blaise Compaoré, au pouvoir depuis 27 ans. Après une journée d’émeute, l’armée a annoncé la dissolution du gouvernement et du parlement et le président burkinabé a été déposé par les militaires. L’opposition a donc fini par faire plier Blaise Compaoré. Des événements qui ont un drôle d’écho à Kinshasa. Un président qui cherche à se maintenir au pouvoir en modifiant la Constitution et se fait renverser… certains à Kinshasa y pensent, d’autres le redoutent. Entre Kinshasa et Ouagadougou l’analogie est frappante.
« Un signal fort »
Depuis plusieurs mois, le débat fait rage à Kinshasa sur le possible projet de la majorité présidentielle de modifier la Constitution pour pouvoir permettre à Joseph Kabila, au pouvoir depuis 2001, de briguer un troisième mandat. Blaise Compaoré voulait modifier l’article 37 de sa Constitution, alors que Joseph Kabila pourrait « déverrouiller » l’article 220 qui l’empêche de se représenter à la présidentielle de 2016. L’opposition est vent debout contre le projet de « tripatouillage » conditionnel que préparerait les proches du camp Kabila. Alors forcement, les événements en provenance du Burkina Faso sont suivis avec la plus grande attention au Congo. L’opposition en tête, pour qui la mobilisation anti-révision au Burkina-Faso est « un signal fort ».
Dans la majorité présidentielle, on suit l’évolution de la situation avec inquiétude. Officiellement, c’est silence radio. Mais hors micro, on reconnaît que « ce qui se passe à Ouagadougou aura bien évidemment un impact sur la situation politique à Kinshasa ». Car en RDC, le président Kabila ne s’est pas encore exprimé. Ni sur ses intentions réelles pour 2016, et encore moins sur la situation Burkinabè. Car, si le projet de modification de l’article 220 de la Constitution congolaise a été avancé par des proches du président, certains pensent qu’après les événements du Burkina, « il paraît peu probable que le parti présidentiel s’obstine à modifier la Constitution ». D’autant qu’il reste de nombreux scénarios possibles pour permettre à Joseph Kabila de se maintenir au pouvoir.
Un sit-in prévu le 3 novembre
Mais attention. Si aujourd’hui la situation est encore confuse à Ouagadougou et l’issue encore incertaine sur l’avenir du président Blaise Compaoré, les manifestations de masse contre la révision de la Constitution dans la capitale Burkinabé pourraient donner des idées aux opposants congolais. Depuis cet été, l’opposition tente difficilement d’imposer des manifestations et des marches régulières contre le projet de révision constitutionnelle dans la capitale congolaise. A chaque fois, les forces de sécurité parviennent à réprimer et disperser les manifestants, qui n’ont jamais dépassé quelques milliers. Avec le « succès » des manifestations de Ouagadougou, les opposants congolais pourraient se voir pousser des ailes et mobiliser des dizaines ou des centaines de milliers de Kinois. La capitale congolaise compte près de 10 millions d’habitants et vote régulièrement pour l’opposition aux différentes élections. Hasard du calendrier, l’opposition appelle à un sit-in, avenue des aviateurs, le 3 novembre prochain à Kinshasa. Un rendez-vous qui sera particulièrement observé.
Christophe Rigaud
Kinshasa, 31/10/2014 (Afrikarabia / MCN, via mediacongo.net)

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