Les défis de l'agriculture en Afrique : Les paysans africains ont besoin d'un lobby
Des famines éclatent régulièrement en Afrique. Pourtant, ses 900
millions d'agriculteurs pourraient nourrir le continent - et même
exporter leur production. Pour ce faire, ils ont besoin d'un appui
politique.
Burkina Faso Landwirtschaft Ouagadougou Obstbauer
La bonne nouvelle pour commencer: gouvernements africains, bailleurs de fonds et agences de l'ONU ont redécouvert l'agriculture africaine. Pendant près de deux décennies ils avaient misé sur l'industrialisation des villes. L'agriculture n'était qu'accessoire.
La bonne nouvelle pour commencer: gouvernements africains, bailleurs de fonds et agences de l'ONU ont redécouvert l'agriculture africaine. Pendant près de deux décennies ils avaient misé sur l'industrialisation des villes. L'agriculture n'était qu'accessoire.
Les anomalies sur les marchés des matières premières, les graves crises
alimentaires vécues à partir de 2008 et les révoltes de la faim ont
produit un choc salutaire. Il en résulte qu'au ministère allemand de la
Coopération, on s'attelle de nouveau à élaborer des stratégies de
développement qui mettent l'accent sur l'agriculture. Aujourd'hui encore
90% de la population africaine, soit 900 millions de personnes,
travaillent dans l'agriculture. Même si la comparaison peut sembler
boiteuse: qui aurait l'idée, absurde, en Allemagne, de fermer les
petites et moyennes entreprises, pourvoyeuses de millions d'emplois et
colonne vertébrale de l'économie allemande ?
Quelles sont les capacités de l'agriculture africaine ?
L'agriculture est synonyme de vie. Un être humain sur huit dans
le monde ne mange pas à sa faim. La sous-alimentation sévit surtout en
Asie du sud en en Afrique subsaharienne. Les chiffres sont alarmants. Ce
dossier multimédia intitulé « L'Afrique peut-elle apaiser la faim? » se
penche sur les chances et les défis de l'agriculture africaine.
L'Afrique peut-elle se nourrir et même nourrir un jour ou l'autre un
monde en pleine croissance démographique? Peut-elle à moyen terme
devenir exportatrice de denrées alimentaires? Nos recherches en Afrique
de l'est et de l'ouest, de même qu'auprès de sociétés chimiques
allemandes incitent à la réponse suivante: oui, si les responsables
politiques sur place et les bailleurs de fonds ici agissent de concert.
Un manque d'incitation aux investissements
Et maintenant la mauvaise nouvelle: dans de nombreux pays d'Afrique, la
défense du paysan ne se fait que du bout des lèvres. Les conditions ne
sont pas réunies pour permettre aux paysans, non seulement de couvrir
leurs propres besoins mais aussi de produire des surplus. L'Ethiopie en
est un exemple: 85% des 90 millions d'habitants vivent de l'agriculture.
Mais par nostalgie marxiste le gouvernement continue d'interdire la
propriété foncière privée. Même les baux de fermage sont incertains. Le
paysan n'est pas motivé pour investir dans sa petite parcelle, par
exemple pour la protéger de l'érosion. Il utilise de coûteuses semences,
jointes à des pesticides et des herbicides qui lessivent son sol déjà
pauvre et le maintiennent captif de la pauvreté. Si la récolte est
mauvaise, son endettement augmente.
Les banques d'affaires africaines n'accordent toujours pas de
crédits aux paysans. Comment pourraient-ils donc remplacer leur antique
charrue en bois par des machines modernes qui accroitraient les
rendements. Nombreux sont aussi les paysans qui, même au 21ème siècle,
ne disposent toujours pas d'un bon accès aux marchés: à la saison des
pluies la route pour le marché le plus proche est impraticable. Des
études montrent que jusqu'à 50% des produits frais d'un paysan africain
pourrissent pendant leur transport au marché - un chiffre totalement
inacceptable. Et la liste des maux est encore longue.
Pas d'industrialisation de l'Afrique sans agriculture
Comme le montrent les reportages des journalistes de la DW, peu de
choses suffisent pour accroître considérablement la productivité des
paysans et donc les rendements. L'irrigation au goutte-à-goutte, la
rotation des cultures, l'amélioration des semences et les cultures bio
ne sont que quelques exemples.
Pour prévenir tout malentendu: il ne s'agit pas de jouer
l'industrialisation contre l'agriculture. Il importe bien plutôt de
faire l'un sans négliger l'autre. Terroir et usine, sol et BTP, il faut
accélérer l'industrialisation de l'Afrique pour que le cacao ivoirien ne
soit plus transformé à Hambourg mais à Abidjan. Il faut aussi que les
gouvernements africains et leurs bailleurs de fonds traitent d'égal à
égal afin de conclure un véritable partenariat au profit de la
productivité alimentaire de l'Afrique.
Les auspices sont plutôt favorables. Le soulèvement des affamés en
Tunisie a fait chuter un régime dictatorial en 2011, il a fait souffler
un vent de changement en Afrique du nord et a été un avertissement pour
les décideurs africains. La faim est devenue un instrument politique aux
mains des masses. Et les responsables politiques européens voient dans
les camps de réfugiés de Lampedusa et Malte l'ampleur du désespoir causé
par la faim en Afrique. Le moment est venu de conclure un « New Deal »
pour l'agriculture africaine
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