L’Afrique à l’ère de l’agriculture 2.0
« Agriculture biologique », « agriculture écologiquement
intensive », « agriculture raisonnée », « agriculture urbaine »,
« agriculture traditionnelle » et j’en passe, le mot « agriculture »
semble bien marier avec divers qualificatifs.
Mais, à l’heure où les biotechnologies et les nombreuses batailles
autour des OGM paraissent meubler l’essentiel des débats entre
professionnels des milieux agricoles en Occident, en Afrique, un tout
autre concept semble émerger : « l’agriculture 2.0 ». Un concept dont beaucoup ne maitrisent d’ailleurs pas toujours les ressorts. Mais, qu’est-ce au juste que l’agriculture 2.0 ?
De quelle manière le web (qui semble si abstrait) peut-il contribuer à
améliorer et/ou promouvoir la productivité agricole en Afrique ?
L’avenir de l’agriculture africaine se jouerait-elle désormais aussi sur
le web ?
Qu’est ce que l’agriculture 2.0 ?
Apparu au début de cette décennie, le concept d’agriculture 2.0,
suppose une agriculture dont la « pratique » intègre l’usage des TIC
(Internet et téléphonie mobile en l’occurrence) en vue d’une
optimisation de la production et des rendements. Découlant de la volonté
des acteurs de ce secteur (et pas seulement) de mettre les TIC au
service de l’agriculture, elle se manifeste entre autres, par
l’utilisation des TIC par ces derniers dans leur travail quotidien.
Comme l’affirme Cletus Ikese, fermier nigérian : « l’agriculture aujourd’hui, va au-delà de porter une houe au champ ».
Téléphones mobiles, ordinateurs et réseaux sociaux sont de plus que
jamais mis à contribution et font désormais partie des outils
nécessaires à l’exercice de leurs activités. Il ne s’agit donc pas ici
de sites web ou de tablettes sur lesquels les agriculteurs peuvent semer
du maïs ou stocker leurs productions agricoles en ligne mais, de la
manière dont les agriculteurs intègrent les technologies de
l’information et de la communication dans leurs travaux quotidiens et
comment ces dernières contribuent au développement agricole de
l’Afrique.
Des pratiques que d’aucuns considèrent déjà comme une sorte de
« révolution verte version 2.0 » et qui place de plus en plus le web au
centre des processus de développement de l’agriculture en Afrique. Mais
concrètement, comment le web contribue-t-il au développement agricole de
l’Afrique ?
Le web 2.0 : facteur de développement agricole en Afrique
Si dans les pays dits développés, les satellites, les puces
d’identification, les robots, des tracteurs guidés par GPS, des drones
volant au dessus des champs ou des robots utilisés pour traire les
vaches contribuent déjà à rendre le travail des agriculteurs moins
pénible, comme l’explique Jean-Sébastien Zanchi, en Afrique, c’est surtout sur le web 2.0 que semble (encore) se jouer l’avenir de l’agriculture.
Facilité d’exposition et de vente de leurs produits, meilleure
gestion de leurs stocks, mise en réseau d’agriculteurs et d’acheteurs
(d’Afrique et même d’ailleurs), et bien plus encore, en offrant des
facilités de travail aux acteurs de ce secteur, les TIC contribuent
largement à l’optimisation des rendements des agriculteurs africains.
Mike, éleveur de cailles au Nigéria, le reconnait d’ailleurs : « J'ai
été en mesure de travailler en réseau. J'y ai gagné, matériellement
parlant… Les choses que, normalement, je n'aurais pas connues ou des
choses que je n'aurai sans doute apprises qu'à l'école ou dans une
bibliothèque, je les ai maintenant à portée de main. Je trouve du
matériel de partout dans le monde sur mon téléphone portable ».
De quoi justifier l’engouement des agriculteurs africains - jeunes
pour la plupart - (et pas seulement) pour le web, comme en témoigne le
foisonnement des blogs spécialisés, des services et applications variés
pouvant leur permettre par exemple de connaitre les différents cours de
leurs produits sur le marché (cacao, café par exemple) ou même de pratiquer l’irrigation à distance à partir de son téléphone mobile. Des actions soutenues pour l’essentiel par des organismes non-étatiques tels que le Centre Technique de Coopération Agricole et Rurale (CTA)
financé par l’Union européenne, le Programme des Nations Unies pour le
Développement (PNUD) (pour ne citer que ceux-là), qui s’activent (à
travers l’organisation régulière de formations dans plusieurs pays
africains notamment) à sensibiliser, intéresser les jeunes africains et
renforcer leurs capacités sur les enjeux de l’usage des TIC pour le
développement agricole. Car, le développement de l’Afrique passe
forcément par là. Le web 2.0 serait-il donc la panacée contre les
problèmes que connait de l’agriculture en Afrique aujourd’hui ?
Une (r)évolution qui n’est pas sans limite
S’il est de notoriété que les TIC et le web 2.0 en l’occurrence
contribuent d’une certaine manière au développement agricole de
l’Afrique et suscite de plus en plus de vocations dans ce domaine, cette
révolution verte 2.0, connait bien des limites. D’une part, elle semble
ne concerner que des « jeunes » agriculteurs et cela se comprend.
Mettre les TIC au service de l’agriculture, suppose pour l’agriculteur
d’avoir certaines compétences en matière d’usage de ces outils, ce qui
disqualifie d’office un nombre important d’agriculteurs encore
analphabètes à l’heure actuelle.
De même, seules les populations des milieux disposant de la
couverture d’un réseau de téléphonie mobile peuvent réellement en
bénéficier. Ce qui n’est pas le cas dans nombre de régions agricoles en
Afrique où l’accès à un réseau de téléphonie mobile relève encore de la
science fiction. Une réalité qui peut sembler paradoxale quand on a
conscience du taux de pénétration de la téléphonie mobile sur le
continent.
Dès lors, bien que la multiplication des initiatives comme celles mises en œuvre par le CTA dans le cadre du projet ARDYIS dont le but est de « sensibiliser
et de renforcer les capacités des jeunes sur les enjeux du
développement agricole et rural pour les pays ACP à travers les TIC »,
nous donnent des raisons d’envisager l’avenir de l’agriculture
africaine avec optimisme, il n’en demeure pas moins vrai que
l’agriculture dite traditionnelle, a encore de beaux jours devant elle.
Et c’est sans compter avec les biotechnologies qui grignotent de plus en
plus le terrain car, comme le souligne l’organisation LibreTerre citant une communication d’Etc. Group, « même
si on tente de le nier, la révolution verte 2.0 risque fort de se
transformer en boom pour l’industrie biotechnologique et de sonner le
glas de la résilience – et de la diversité – rurale en Afrique ».
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