Obstacles à l’adoption des médias sociaux par les organisations de développement
Depuis juin 2010, des acteurs du développement organisent des rencontres informelles à Dakar, afin d’échanger sur leurs pratiques de Knowledge Management et de communication.
La réunion de lundi 11 février 2013 était consacrée à l’adoption des médias sociaux par les organisations de développement et m’a permis de présenter la carte heuristique ci-dessous, et de la compléter de manière participative.
- Carte heuristique des obstacles à l’adoption des médias sociaux par les organisations de développement
- Cliquer sur l’image pour l’agrandir
La plupart des questions et rapport relatives aux médias sociaux pour
le développement relèvent de leur fonctionnement : les succès et les
échecs, l’audience, l’impact, l’évaluation… Elles sont importantes
évidemment. Mais pour qu’un média social ait un impact encore faut-il
qu’il existe, et ce n’est pas toujours le cas.
Nombreuses sont encore les organisations, les antennes des
organisations, les programmes et projets qui n’utilisent aucune forme de
communication par les médias sociaux. Se poser la question des
obstacles à l’adoption de ces outils c’est aussi, une fois la mise en
place des outils réalisée par la levée de ces obstacles, mieux
comprendre certaines limites que peut rencontrer l’animation de ces
outils de communication. Une page Facebook a finalement été créée ? Un
compte Twitter a finalement été autorisé après une franche hostilité en
interne ? Les obstacles ont pu être momentanément dépassés, ils n’ont
pas pour autant forcément disparus et vont souvent continuer à freiner
l’animation des comptes.
Identifier les obstacles à l’adoption des médias sociaux est pratiqué
pour les entreprises et je m’en suis servi. Les organisations de
développement ont cependant des obstacles qui peuvent leur être propres.
On peut structurer ces obstacles en quatre composantes, qui bien sûr ne s’excluent pas les uns les autres.
La volonté : Que personne ne veuille, que la
personne normalement en charge de la communication ne veuille pas (pour
de bonnes ou de mauvaises raisons, car c’est une surcharge réelle de
travail) ou que la hiérarchie y soit opposée, un média social ne
s’utilise pas dans le dos de son organisation et ne peut pas aller
contre la volonté collective.
Les outils : qu’il n’existe pas de connexion ou
d’équipement informatique fiable (ce qui est souvent encore le cas pour
les organisations à la base de nombreux pays), qu’il n’y ait pas de
maîtrise technique de la part du personnel ou qu’il manque du contenu
pertinent à partager (ou qu’il ne soit pas disponible numérique plus
exactement, ce qui est le cas lorsque l’on parle du manque de contenu
africain sur le web) il existe des limites bien matérielles empêchant
l’adoption des médias sociaux.
La culture : très variable selon les organisations,
les aspects culturels freinent clairement l’adoption des médias
sociaux. Ils peuvent avoir une mauvaise image, comme toute la technique
d’ailleurs parfois (« la technique c’est dangereux et aliénant, c’est le
lit de la consommation de masse, et internet le lieu de toutes les
dérives »). Mais souvent c’est plus prosaïquement la lenteur même des
organisations de développement à s’adapter qui est en jeu. Dans un
domaine concurrentiel qu’a renforcé la crise économique mondiale depuis
2009, l’accès à l’aide publique au développement est un enjeu et trop
partager (ses informations, ses savoir-faire, ses opportunités) est vu
comme contre-productif, aussi bien en tant qu’organisation qu’en tant
que professionnel. Dans beaucoup de pays, ne savoir communiquer qu’en
une seule langue (quelle qu’elle soit) limite l’impact de sa
communication. Enfin, il y a la culture de l’expert. C’est paradoxal,
mais le rapport à l’expertise est parfois apparemment antinomique.
Certaines tâches doivent être faites par un « expert », et une
organisation n’ayant pas en interne cette expertise n’y touche pas tant
du tout qu’elle n’a pas intégré la bonne personne. Donc, pas de
communication (du tout) sans charger de communication. Inversement, (et
c’est dans la section « moyens ») l’expertise extérieure n’est pas
toujours bien vue. Oui, il faut un expert, mais il doit connaître
l’organisation de l’intérieur, les autres ne comprendront pas,
d’ailleurs ce sont des consultants ou des entreprises qui sont vues
comme des profiteurs potentiels. Et les choses traînent ainsi…
Le fonctionnement : Plus concret que la culture, il
touche aussi bien les responsabilités que les manques (de temps,
d’argent, d’objectifs…). Les médias sociaux arrivent rarement dans un
contexte de communication absolument vierge. Des supports ou des outils
existent déjà (parfois même d’autres médias sociaux pré-existants). Soit
ils sont déjà suffisamment complexe et consommateurs de temps et
d’argent pour que l’organisation ne souhaite pas investir en plus dans
des médias sociaux, soit ils sont au contraire tellement bien intégrés
et fluides qu’il paraît inutile de se mettre en danger en utilisant des
médias qui sont multi-directionnels et que personne ne peut tout à fait
prétendre contrôler.
Bien sûr, il s’agit là d’un inventaire très général et abstrait.
Aucune organisation n’a autant de blocages sur le long terme et les
choses finissent toujours par avancer. Mais les conditions de la
naissance des comptes de médias sociaux peuvent se retrouver en
filigrane de leur utilisation, longtemps après et certains obstacles
peuvent réapparaître après avoir été dépassé, à l’occasion de l’arrivée
de nouveaux personnels par exemple ou d’une limitation des ressources.
Dans vos organisations, avez vous déjà été confronté à de tels obstacles ? Les avez-vous surmontés et comment ?
Commentaires