Le festin des dictateurs : dans l'assiette des dirigeants les plus controversés
Un
ouvrage publié au Royaume-Uni,
Dictators' Dinners, explore les mœurs
culinaires des tyrans des temps modernes. Morceaux choisis.
Quelle
nourriture rassasie un dictateur? Deux auteurs britanniques, Victoria Clark et
Melissa Scott, se sont penchés sur la question dans l'ouvrage Dictators'
Dinners, the bad taste guide to entertaining tyrants* («Les dîners
des dictateurs: le guide de mauvais goût pour régaler les tyrans»). On y retrouve
les recettes préférées des dictateurs du monde entier et leurs petites manies
alimentaires. Des végétariens convaincus aux amateurs de festins
gargantuesques, les goûts sont très différents, mais une même idée persiste: la
peur d'être empoisonné.
-Joseph Staline et les repas marathon
Selon l'ouvrage, Nikita Khrouchtchev, l'ancien
dirigeant soviétique, aurait dit à propos de son prédécesseur Joseph
Staline (1878 - 1953): «Je ne pense pas qu'il y ait eu un leader aux
responsabilités comparables aux siennes qui ait gaché plus de temps que Staline
autour d'une table, juste à manger et boire». Pour le dirigeant communiste,
casser la croûte revenait à s'attabler pendant six heures et prendre plaisir à
déguster les repas concoctés par le grand-père de Vladimir Poutine, Spiridon
Poutine, qui fut son cuisinier. Ces repas interminables, accompagnés de jeux
d'alcool, de chants, de danses et d'anectodes plus ennuyeuses les unes que les
autres, pouvaient être une véritable torture pour ses convives. Les auteurs de
l'ouvrage assurent ainsi que Tito, l'ancien dirigeant yougoslave, avait fini
par vomir dans la manche de sa veste.
Hitler, le végétarien paranoïaque
Plus ému par le sort des animaux que par celui
des hommes, Hitler
(1889 - 1945) était végétarien, ne consommant ni viande ni poisson. Il ne
mangeait que des produits frais et s'interdisait la cigarette et l'alcool. Des
barrières alimentaires qu'il s'imposait aussi sans doute pour tenter de réduire
ses problèmes chroniques de flatulences et de constipation, contre lesquels il
prenait toute une batterie de médicaments, indiquent les auteurs britanniques.
Le Führer savait d'ailleurs embarrasser ses hôtes carnivores en leur offrant
des descriptions sanglantes d'une visite dans une boucherie ukrainienne. On
rapporte pourtant qu'à plusieurs reprises, dans les années 1930, il s'est
permis d'engloutir du jeune pigeon farci à la langue, au foie et à la pistache.
Un chef britannique l'ayant servi dans un hôtel de Hambourg a confirmé son
appétit pour les petits oiseaux. Autre trait flagrant de son alimentation: sa
hantise de l'empoisonnement. Hitler avait 15 goûteurs à son service et les plats
n'étaient apportés à sa table que 45 minutes après avoir été testés, afin de
s'assurer que personne ne tombait raide mort entretemps.
Mussolini et sa salade aux oignons crus
Benito Mussolini
(1883-1945), le dictateur italien, n'aimait semble-t-il rien tant qu'une simple
salade d'oignons crus, assaisonnée d'un filet d'huile et de citron. Un plat bon
pour son cœur, soutenait-il. «Je ne pouvais plus l'approcher après cela»,
aurait toutefois confié son épouse Rachele, ajoutant que dans ces
circonstances-là, elle refusait même de partager le lit du dictateur à
l'haleine prononcée. Contrairement à Staline, Mussolini mangeait vite et
détestait perdre son temps à festoyer. La quarantaine passée, il avait
d'ailleurs mis fin à toute consommation d'alcool. Seule petite touche de
douceur, semble-t-il, la vénération du clan Mussolini pour le ciambellone (
«grande couronne» en italien), un gâteau simple très populaire en Italie.
Kadhafi et son sacrosaint lait de
chamelle
Il en buvait souvent... trop souvent,
semble-t-il, à en croire ses problèmes de digestion. Mouammar
Kadhafi (1942-2011), l'ancien dirigeant lybien, aimait, quand il se
déplaçait, emporter avec lui sa grande tente et ses chamelles, gardant ainsi à
disposition du lait frais en toute circonstance. Kadhafi, amateur de cuisine
italienne, raffolait aussi du couscous à la viande de chameau.
Kim Jong-il, le fin gourmet
Selon l'ouvrage, Kim Jong-il (1942-2011),
l'ancien dictateur nord-coréen, était passionné de gastromonie. Sa bibliothèque
était remplie de livres de cuisine, et il demandait à ses ambassadeurs à
l'étranger de lui livrer les spécialités locales. Son chef personnel était
envoyé aux quatre coins du monde pour récupérer les mets les plus fins, comme
du caviar iranien. Les auteurs du livre assurent qu'une petite armée de femmes
avait pour mission de trier un à un les grains de riz qui finissaient dans son
assiette, pour s'assurer qu'ils étaient de la même taille, de la même forme et
de la même couleur. On raconte aussi qu'il aimait ses sushis tellement frais
qu'il pouvait avaler le poisson encore frétillant. Un de ses plats favoris: la
soupe d'ailerons de requin. Sa cave contenait 10.000 bouteilles, dont du cognac
des plus onéreux.
*Dictators' Dinners, a bad taste guide to entertaining tyrants, éditions
Gilgamesh, décembre 2014
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