L’autonomisation économique des femmes : quels impacts sur les inégalités femmes-hommes ?
Alors que
les femmes effectuent 66% du travail mondial et produisent 50% de la nourriture
mondiale, elles ne perçoivent que 10 % des revenus. Elles représentent 70 % du
1,3 milliard de personnes qui vivent avec moins de 1 dollar par jour. Souvent
privées d’accès au patrimoine, au capital et à toute forme d’assurance sociale,
elles font face à une vulnérabilité économique chronique. Dans ce contexte,
l’autonomisation économique des femmes apparaît comme un enjeu crucial du
développement. Mais cette intégration économique, lorsqu’elle a lieu,
rime-t-elle avec une réduction des inégalités ?
Le travail des femmes : un rôle économique majeur mais
une grande précarité
« Toutes
les femmes travaillent et produisent. » (Ada Bazan) Cependant, elles sont
largement privées du salaire, du statut social et de l’avenir qui devraient
aller de pair avec leur contribution à l’activité économique. « Les
inégalités sont persistantes, aussi bien dans la sphère publique que privée
» (Ouafae Sananes) : dans les pays du Sud, les femmes n’ont souvent aucun droit
sur les terres, elles n’ont pas accès à l’héritage et, lorsqu’elles ont quelque
chose à transmettre, leurs biens sont captés par les hommes de leur entourage
au lieu de revenir à leurs enfants. En outre, elles rencontrent des difficultés
d’accès au crédit : « les hommes arrivent plus facilement que les femmes à
obtenir un prêt. Car les femmes n’ont rien à mettre en gage. » (Ouafae
Sananes) Enfin, les femmes sont plus fortement touchées que les hommes par
l’analphabétisme : au Maroc par exemple, sur 50% d’analphabètes, 75% sont des
femmes. « Les filles sont scolarisées jusqu’à la fin du cycle primaire
seulement. Après, ce sont des mariages et des grossesses » (Ouafae
Sananes).
On note
cependant des améliorations. Les femmes parviennent de mieux en mieux à
s’affirmer, tant dans les sphères économique que sociale ou politique. « Les
femmes s’en sortent bien dans beaucoup de contextes, sont chefs d’entreprise et
créent des richesses » (Ouafae Sananes). On peut citer l’exemple
emblématique de Korka Diaw, dans la vallée du fleuve Sénégal, qui, partie de
rien, dirige aujourd’hui une exploitation de 150 Ha. Ou encore la fédération
des Paysans du Fouta Djalon qui compte 2/3 de femmes parmi ses 30 000 membres.
Enfin, de nombreuses initiatives de développement œuvrent en faveur des femmes,
comme les Associations villageoises d’épargne et de crédit (AVEC). Ces groupes
d’épargne autogérés, créés à l’initiative de CARE International, enseignent aux
participants, majoritairement des femmes, à économiser et à prêter de l’argent
en petits groupes en vue de leur émancipation économique.
L’autonomisation économique des femmes : un frein aux
inégalités femmes-hommes
« Avoir
un salaire, c’est aussi avoir un statut social et un pouvoir, notamment celui
de négocier avec les hommes » (Ouafae Sananes). Les femmes peuvent trouver
les moyens de conquérir leur autonomie grâce au plan économique : « les
femmes boliviennes peuvent témoigner du moment où elles ont commencé à ramener
un peu d’argent à la maison, et comment cela les a aidées à avoir un peu la
parole » (Ada Bazan). Et cette amélioration de statut ne concerne pas
seulement le foyer mais également la vie sociale et politique. Au Niger, 45 %
des membres des AVEC disaient en 2011 avoir participé au moins une fois à une
prise de décision communautaire, contre 30 % pour ceux qui n’étaient pas
membres d’AVEC. Par ailleurs, « en 2004, sur 60 villages, 112 femmes membres
d’AVEC avaient présenté leur candidature à des élections locales, pour 45 élues
à un conseil municipal. En 2011, elles étaient 279 à se présenter, pour 140
élues au final » (Philippe Lévêque), des résultats meilleurs que ceux de la
France…
Commentaires